ARMORIAL BRETON DE GUY LE BORGNE

L’armorial Breton, publié la première fois en 1667 chez Julien Ferré à Rennes, fut pendant longtemps un des seuls ouvrages de référence en matière d’héraldique bretonne. Les érudits du XIXe siècle ne s’y sont d’ailleurs pas trompé en puisant largement dans cet ouvrage, pratiquant toutefois une sélection d’informations qui nous avait privés d’une masse considérable de détails. Le lecteur les retrouvera ici.

Pour la première fois, un auteur avait réuni en un seul livre, toutes les armoiries dont il avait pu avoir connaissance et quantité de détails intéressant l’histoire sociale, cela pour les évêchés de Léon et Tréguier, mais aussi pour toute la province. Peu de noms lui ont échappé et à cet égard, l’armorial donne une photographie de la population armoriée, à savoir majoritairement la bourgeoisie et la noblesse, à la veille des réformations colbertiennes. Nous avons donc sous les yeux le tableau vivant d’une société, certes hiérarchisée, mais encore peu rigidifiée, connaissant de nombreuses passerelles pour accéder ou s’agréger au second ordre… et d’autres pour déroger.La famille de l’auteur est ancienne et innombrable, comme nombre de familles de la bourgeoisie et noblesse bretonnes. Guy le borgne naquit en 1620, fils de Gilles le Borgne, sieur de Goasven et de Marguerite de Goesbriand; Il fut baptisé en l’église de Trébeurden le 4 novembre 1620 sous le prénom d’Efflam, prénom de son parrain Efflam Le Barzic, sergent de la juridiction de Penlan-Begard. Ce n’est que le 14 avril 1629, que son prénom fut changé par Monseigneur Guy Champion de Cicé qui lui imposa le sien à l’occasion de sa confirmation. Orphelin très jeune, ses deux parents étaient morts alors qu’il avait 9 ans, nous ignorons quel fut son début de carrière et quelles furent ses études et leur nature. Mais elles furent certainement poussées puisqu’il connaissait le latin et sa bibliothèque contenait nombre d’ouvrages d’histoire. Ses écrits dénotent une solide culture et une formation juridique avec un goût prononcé pour les belles lettres.

Le titre qu’il se donne est « Alloué et bailli de Lanmeur ». Lorsqu’il arriva à Lanmeur vers 1652, cette résidence que lui imposait l’exercice de sa fonction lui pesait comme un exil et il se plaint d’être  » confiné dans un lieu stérile et trop ingrat pour le commerce et la société de gens capable de l’instruire ». C’est peut être à cet environnement isolé que nous devons l’œuvre de Guy Le Borgne, qui se réfugia dans l’érudition.

Il se mariera deux fois : en premières noces avec Marie Le Gac, dame de Lanorgar, d’une bonne famille du pays, dont il aura six enfants, et en seconde noces à Morlaix St-Melaine (15 février 1670) avec Françoise Le Gendre, dame de Kerbolin, de plus modeste extraction, qui ne lui donnera qu’une seule fille, mais dont l’un des fils sera Charles-Guy Le Borgne, évêque de Tréguier. S’il s’intitule sieur du Treuzcoat (en Pleiber-Christ), modeste seigneurie mitoyenne de Lesquiffiou tenue par ses cousins Le Borgne, sa résidence habituelle fut probablement à Lanmeur. La cour de Lanmeur était attestée depuis le XVe siècle et bien souvent les même magistrats siégeaient à Lanmeur et à Morlaix. Lanmeur conservait cependant son autonomie puisqu’elle ressortissait au présidial de Rennes alors que Morlaix ressortissait de celui de Quimper et ce n’est qu’en 1755 que la barre de Lanmeur sera réunie définitivement à celle de Morlaix. Le sénéchal, premier magistrat de la juridiction statuait seul en principe, mais en son absence, l’alloué ou bailli, en sa qualité de principal auxiliaire, le remplaçait.Mais il ne fut probablement pas si seul qu’il le dit. Il prenait la suite des travaux de son père, déjà fort réputés et qui avait déjà du tisser tout un réseau de correspondants et d’informateurs. Ensuite, il reconnaît devoir beaucoup à M. de Plusquellec, ainsi qu’à Jacques de Kermenguy, seigneur de Kermenguy en Cleder « gentilhomme des plus savants en cette science des blasons auquel j’avoue devoir une partie de cet ouvrage » et à Pierre de Kersauson-Guenan, près de Saint-Pol « gentilhomme bien expérimenté au fait du blason qui a contribué de quelque chose à l’achèvement de ce travail ». Ces deux derniers lui sont d’ailleurs apparentés. Il est aussi hautement probable qu’il entretint, après son père, d’étroites relations avec Pierre de Lannion, Baron du Vieux-Chatel, et son fils Claude de Lannion, tous deux passionnés d’histoire et de généalogie et qui détenaient les archives du Père du Paz.

Au moment ou il fait publier son armorial, il songeait déjà à lui en donner une seconde édition, revue et complétée; hélas la mort vint le surprendre le 24 mai 1671. Après sa mort, une seconde édition parut en 1681. Depuis lors, l’ouvrage était devenu quasi introuvable, à l’exception d’une réédition dont nous n’avons pas réussi à retrouver la trace. Puisse y remédier cette réédition, pour laquelle nous avons privilégié une reproduction à l’identique, avec les imperfections que cela comporte.