1888. Ce qui nous frappe aujourd’hui encore, dans l’histoire des chauffeurs du Lyonnais, ce n’est pas le dEchaà®nement de violence qui la caractErise, mais surtout l’incroyable tEmEritE des malandrins, leur cruautE absolue, l’habiletE parfois machiavElique de leurs forfaits et cette impunitE totale dont ils jouirent pendant si longtemps. En lisant l’ouvrage de J. Vingtrinier, on comprend assez vite que tout cela, ils le devaient à leur chef, un homme qui avait (hElas) pour le crime, des aptitudes exceptionnelles : fin stratège, dEpourvu de tout scrupule, vigoureux et dEterminE, il imposait à ses troupes une discipline de fer. Pour tout le monde (ou presque), il s’appelait Pierre Grataloup, il n’Etait ” pas très grand, mais bien pris et de forte carrure “, il habitait la haute montagne et faisait ” le commerce des bestiaux ” ; mais pour tous ses complices, pour ceux qui le recherchaient et pour les habitants de la rEgion, il Etait aussi le Petit-Monsieur, personnage mythique, redoutE et d’autant plus insaisissable, qu’hormis ses hommes personne n’avait fait le lien entre l’honorable Grataloup et le terrible chef de bande, au point qu’il filait le parfait amour avec la belle Françoise, la fille d’un fermier prospère. C’est pourtant lui qui organise de vEritables conseils de guerre dans les ruines du château de Rochefort, ordonne le pillage et la tuerie de Malataverne, le sac, sous uniformes de gendarmes, du château de Marigny, l’enlèvement de Mlle de Barmas, l’attaque de la maison de Jean Malart… et cent autres coups fructueux et sanglants qui terrorisent la population et constituent autant d’atteintes graves aux personnes et aux biens. Cependant l’intErêt du rEcit de M. Vingtrinier ne rEside pas uniquement dans cette relation pittoresque (historiquement rEpertoriEe) des coups de main, rapts, assassinats, combats divers des Dur-à -cuire, Vide-Gousset, JosE-le-Chameau, Pied-de-Biche, Lapin-Vigilant, Gros-Mec, Sautemouche, Cuillère-à -Pot, le Parigot, le Dauphinois, Dhilas, Chevallier, le Borgne-d’Aveize, le Bourreau des Crânes, le Boucher-des-Pantes. Il apparaà®t aussi dans la manière prEcise et vivante dont l’auteur Evoque l’ambiance des marchEs de l’Epoque, des fermes et des auberges, dans le talent avec lequel il retraduit le langage cru et colorE des chauffeurs et des paysans et dans la gradation savante selon laquelle il montre l’Evolution du comportement de la population, qui va passer, peu à peu de la crainte à la colère vengeresse, sous l’influence de Jean Malart, l’ennemi jurE du Petit Monsieur. Cette EpopEe, judiciaire et justicière, d’une lutte devenue collective contre le crime est d’autant plus passionnante qu’elle est marquEe du sceau de l’authenticitE.© Micberth