Rien n’est plus agrEable (et plus instructif) que cette dEambulation savante à travers contrEes et lieux-dits de notre dEpartement, sous la conduite de l’abbE Alexandre-Eusèbe Poquet, expert en histoire et en lEgendes. Nul n’aurait pu Evoquer à notre intention ces ” lEgendes historiques “, heureux mElange de faits authentiques et de ” racontars fantaisistes ” et surtout les dEcrypter avec autant de sagacitE et d’allEgresse que ce prêtre chaleureux et Erudit qui fut le fondateur de la SociEtE historique et archEologique de Soissons, devint inspecteur des monuments du dEpartement de l’Aisne, tout en exerçant son apostolat avec passion à l’institution des sourds-muets et des jeunes aveugles de Saint-MEdard, avant d’être aumônier du dEpôt de mendicitE de Villers-Cotterêts, puis curE (doyen du canton) à Berry-au-Bac. Aucune antinomie, pour cet homme visitE par la grâce, entre ce quotidien au service d’autrui, et sous le signe de Dieu, et sa tâche d’historien, ici en quête de lieux et d’EvEnements mythiques – de Chalandry à Ribemont et Verberie, en passant par Laon, les trois Barentons ou la forêt de Saint-Gobain – autrefois objets d’une ferveur populaire et aujourd’hui ignorEs ou oubliEs dans leur notoriEtE d’origine. Pourquoi cet acharnement à raconter, expliquer, voire dEcortiquer l’histoire de ces points d’ancrage d’une dEvotion naà¯ve, fleurie d’imaginaire, dEvoyEe dans des pratiques superstitieuses et parfois même sulfureuses, alors qu’il reconnaà®t lui-même que le savoir objectif est souventes fois mis à mal dans ces rEcits lEgendaires qui tendent beaucoup moins à la froideur de l’exactitude qu’à l’envolEe sEduisante du mythe ? Parce qu’il sait, en connaisseur averti des gens et des choses, que la vEritE gà®t aussi dans l’Evocation de ce passE buissonnier, nourri de rêve et de terreur, de dEsir et de violence, d’approximations et de fatrasies. Autour des fontaines et de la pierre, du feu et du dEmon, du travail et de l’institution du mariage et des tragEdies humaines omniprEsentes, nos ancêtres n’ont pas seulement laissE ces traces que constituent notre patrimoine architectural, mais aussi tout un florilège de croyances et de mythes que le savant abbE reconstitue avec beaucoup de soin, d’humour et d’indulgence, bien qu’il ne s’intègre pas toujours, tant s’en faut, au merveilleux chrEtien ; pour lui, tant de naà¯vetE est prEcieuse, parce qu’elle reprEsente un mode d’expression, et peut-être de sauvegarde au quotidien, dont l’historien qu’il est se doit de perpEtuer le secret. Alors suivons-le sur les traces du diable et de la belle Picarde, de saint Rigobert et de la fontaine de la Mort, d’Enguerrand de Coucy aux prises avec un lion et du vacher Tout-le-Monde, de Jehan Sureau et des treize maà®tres-maçons de Braine. Nous y trouverons, au-delà des donnEes historiques, tout ce qui fait le sel de la vie : le parfum de l’EpopEe, le souffle de l’imaginaire, l’omniprEsence du danger et tous les chatoiements d’un vEcu dEjà lointain dont le souvenir doit être (obstinEment) prEservE.© Micberth