Ibn Saoud est le fondateur, en 1932, du royaume d’Arabie saoudite et le grand-père de l’homme fort actuel, Mohammed ben Salman. Jacques Benoist-Méchin en avait donné une biographie, il y a soixante-dix ans, qui connut un succès considérable, à une époque où le royaume commençait tout juste à faire parler de lui en raison des découvertes pétrolières. Les temps ont changé et, sous l’impulsion de « MBS », l’Arabie saoudite est devenue un acteur parfois controversé mais incontournable des affaires internationales. Mais si le pays semble, dans une certaine mesure, s’ouvrir à la modernité – toujours grâce au pétrole mais aussi, désormais, grâce au tourisme et au football… –, il demeure une énigme.
C’est en se replongeant dans le passé, dans la vie aventureuse du jeune Ibn Saoud, au début du XXe siècle, que l’on peut mieux comprendre le royaume tel qu’il est aujourd’hui. Christian Destremau brosse avec brio le portrait d’un « renard du désert » devenu homme d’État ; d’un conquérant bâtisseur et mû par de solides convictions – notamment au sujet de la Palestine et de la naissance d’Israël. Pendant les trente-deux années que dura la conquête de la péninsule Arabique, Ibn Saoud fit preuve d’une maîtrise parfaite dans l’art de la guerre du désert et, plus encore, d’une habileté consommée face à ses adversaires comme avec ses alliés. Ainsi fit-il allégeance à la Grande-Bretagne durant la Première Guerre mondiale et sollicita-t-il l’aide financière de Moscou, cette métropole satanique, pour renflouer ses caisses à l’aube des années 1930. En 1932, le royaume d’Arabie saoudite était fondé et, après une dernière expédition guerrière contre l’imam du Yémen (1934), ses frontières stabilisées : celui qui n’avait pas une pierre où poser la tête au début de son entreprise régnait désormais sur un territoire grand comme trois fois et demie la France.
Cet homme d’État incontournable et madré – qui choisit de maintenir son pays dans une neutralité favorable aux Alliés durant la Seconde Guerre mondiale – a conclu en 1945 avec le président américain Roosevelt un accord stratégique motivé par la géopolitique du pétrole, plaçant l’Arabie saoudite dans l’orbite économique et sous la protection militaire américaine. À sa mort en 1953, il laisse derrière lui l’un des pays les plus puissants et influents du monde musulman, membre de l’ONU et de la Ligue arabe. En lisant la magistrale biographie que lui consacre aujourd’hui Christian Destremau, à partir, notamment, de nombreux documents d’archives, on découvre notamment un fait essentiel : pour Ibn Saoud, comme pour ses successeurs, la religion islamique, sous sa forme « wahhabite » – à laquelle ils adhèrent pleinement – n’a pas pour mission de convertir le monde, mais doit aider la dynastie des Saoud à se maintenir au pouvoir, pour les siècles qui viennent.
Le récit d’une vie hors normes qui se lit comme un roman d’aventures.